Réimaginer le combat system de Dead Space

20 févr. 2023

Réimaginer le combat system de Dead Space

20 févr. 2023

Ou comment Dead Space Remake a “remaké” les combats de l’original ? On n'est pas les seuls à avoir joué au fruit du travail de Motive Studio sur Dead Space Remake et avoir été plutôt convaincu ; d’où l’envie de revenir dessus ici.

Dans cet article cependant, on ne reviendra pas sur tout ce qui fait le succès de cette refabrication du jeu culte de Visceral Games. On se concentrera sur des choses, parfois un peu passées sous le radar, et qui ont pourtant un rôle essentiel dans l’impression positive que laisse le combat system de cette revisite.

Introduction de l’arsenal

Premier point qui ne touche pas à proprement parler aux combats, les changements dans la progression. Si dans le jeu original le joueur se voyait présenter de nouvelles armes à l’achat dans le shop au fur et à mesure de son avancement, le remake, les lui donne toutes sans frais en les égrenant sur sa première moitié.

Par exemple, fin du chapitre 3, vous trouverez le lance-flamme, judicieusement suivi de situations de combats le mettant en valeur, introduit simultanément avec de nouveaux ennemis particulièrement sensibles à votre nouveau joujou. Une peine didactique que ne se donnait pas le jeu de 2008, au risque que ces armes restent à jamais au placard.

En donnant l'arme et en suivant son obtention de situations de démonstration naturellement intégrées à la progression, on offre au joueur une chance de l'adopter, d'entrevoir son intérêt comparé à ce qu'il connaît déjà.

Mon propre exemple me vient en tête. J'avais fini Dead Space en utilisant uniquement le Plasma Cutter et le Pulse Rifle, les armes les plus confortables ; un gâchis en fin de compte. En 2008, acheter une arme pouvait être assimilé à une prise de risques, plutôt qu'à des ressources ou des points d'amélioration dont on avait la certitude de savoir efficaces.

Le remake met des chances de son côté en ayant la main sur l'introduction des armes. Non seulement cela offre une injection de nouveauté plus soignée que dans l'original, mais cela permet surtout au joueur d'adopter et d'intégrer certaines armes à son arsenal qui, sans cela, auraient été ignorées ou perçues comme inutiles.

Cette forme d'encouragement à utiliser l'ensemble des outils à disposition et à expérimenter, on la retrouve dans l'inventaire un brin agrandi pour l'occasion. On se sent moins pénalisé en s'équipant de l'ensemble du kit. Dans un jeu où la gestion de l'inventaire n'a jamais été un point crucial, cela rend les combats plus intéressants sans ternir outre mesure le resource management. Cela ne contrevient pas à l'équilibrage d'un jeu qui s'appuie, comme l'original, massivement sur du loot dynamique qui s'adapte aux contenus de l'inventaire.

Bien sûr, on préférerait une conception à la The Evil Within avec un équilibrage moins agressivement dynamique sur les ressources, qui collerait mieux au frisson de débrouille que j'imagine éveiller dans un survival horror. Dans Dead Space Remake, on ne m'enlèvera pas cette légère impression que le jeu se fait devant nous, semble parfois se monter sous nos pieds au mépris de l'immersion ou de la tension du resource management. Cependant, il reste appréciable que le titre ait au moins décidé d'encourager le joueur à varier les plaisirs à défaut de l'y obliger.

Divers équilibrages et démembrement refondu

Dans le prolongement des modifications de progression, on trouvera d'autres évolutions de l'équilibrage rendant les combats plus variés et la maniabilité d'ensemble plus proche de celle d'un Dead Space 2. J'exclus ici de parler des phases en apesanteur, forcément rajeunies avec la navigation en 3 dimensions héritée des épisodes ultérieurs, mais assez à part dans la totalité de l'expérience de combat, ne trouvant pas vraiment de point de comparaison avec l'épisode original.

Premier point donc, le remake appuie l'utilisation de la télékinésie avec de nouveaux objets mortels ramassables dans les décors, qu'il s'agisse de tuyaux muraux, de pieds de meubles en acier servant de piques géants ou encore de bidons de stase, ils se confondent à présent à la galerie d'extincteurs, de bidons explosifs et autres membres affûtés de nécromorphes. La télékinésie prend ici une place plus importante dans la combat loop, comme une option à la fois plus efficace et moins coûteuse (pas de munitions) que les armes. Cela participe à mettre une légère emphase sur l'exploitation des décors, notamment sur les ressources « télékinésiques » abondantes des salles de cet Ishimura 2023.

Dans un second temps, c'est la diminution des effets stagger (« chancellement » en français) ainsi que le « nouveau » système de démembrement («Peeling system») qui sautent aux yeux. Si dans le jeu de 2008, il suffisait de mettre un certain nombre de dégâts dans un membre pour le sectionner, dans le remake, la localisation plus précise des dégâts, additionnée à un système de couche (chair enveloppant l'os), rend le démembrement plus exigeant. C'est seulement une fois un os mis à nu qu'il pourra être sectionné.

La limitation des effets stagger (particulièrement pour le Pulse Rifle et le Plasma Cutter) ainsi que la complexification de la mécanique de démembrement ont des résultats immédiats :

  • La télékinésie, comme déjà évoqué plus haut, devient une option d'autant plus intéressante que les armes sont moins sur-efficaces.

  • La stase, qui permet de ralentir les objets en mouvement, est plus utile pour stopper un adversaire, puisque lui tirer dessus ne le stoppera plus aussi efficacement.

  • Le « peeling system » ouvre la porte à de nouveaux combos d'armes, notamment le Force Gun très utile pour repousser des adversaires et dénuder des membres avant de les sectionner avec le Cutter ou le Lime Gun.

  • Le Plasma Cutter, arme presque dédiée au démembrement, devient moins performante que dans l'original, ce qui laisse plus de place au reste de l'arsenal pour s'exprimer.

  • Etc.

Dans l'ensemble, on peut dire que les nécromorphes trouvent ici une place davantage menaçante (bien que plus lents, trop ?) ; plus difficiles à stopper, il convient au joueur d'être plus précis et plus malin dans l'utilisation de ces différentes options de jeu. Tous ces contre-effets tendent à obtenir un système de jeu plus équilibré, plus tactique et plus varié que dans l'original, bien que peut-être moins immédiatement satisfaisant, notamment en termes d'impact.

Arsenal revu et corrigé

Au rang des importants rééquilibrages, on remarque que beaucoup d'armes et en particulier de tirs secondaires (ou Alt Fire) ont été retravaillés. Quatre viennent en tête :

  • Le Force Gun peut maintenant tirer un petit champ gravitationnel attirant objets et ennemis pendant quelques secondes.

  • Le Pulse Rifle se voit à présent augmenté d'un lance-grenade doublé d'une mine de proximité.

  • Le Flamethrower se voit doté d'un nouveau tir secondaire permettant de lancer une nappe incendiaire persistante.

  • Et enfin, le Lime Gun perd certes sa mine de proximité, mais peut maintenant tirer des mines lasers attachables à n'importe quelle surface (sols, murs, plafonds, caisses mobiles…).

Le dénominateur commun de ces changements ? Un focus sur le jeu défensif et tactique, globalement un gain de créativité dans l'utilisation des armes.

Le Pulse Rifle et le Lime Gun permettent d'établir des pièges, tandis que le Force Gun et le Flamethrower se voient dotés d'AOE (Area Of Effect) persistantes, pour interdire et monopoliser certaines surfaces de l'arène. D'ailleurs, le champ de gravitation du Force Gun se combine très bien avec la grenade du Pulse Rifle et le tir chargé du Contact Beam, ce qui en fait définitivement l'arme idéale pour initier la plupart des combos.

Ces outils défensifs, préventifs et/ou de zoning, permettent d'anticiper les spawns et de tenter de se prémunir d'assauts éventuels en condamnant avec une mine ou deux le pas d'une ventilation, en couvrant un couloir de lasers, etc. Ces outils sont idéaux pour tenir des positions et se combinent à merveille avec le level design et le combat de la licence.

On rentre dans des pièces couvertes de ventilations, de spawns potentiels, prudents, toujours à « attendre le script ». On peut maintenant adopter une attitude plus proactive et utiliser plus en amont l'architecture d'une salle à son avantage. Un mur plat dans un point de passage névralgique devient une opportunité. Le jeu gravite moins autour de la vitesse de réaction, « je vois un truc, je tire », mais plus autour de la capacité du joueur à faire du crowd control.

À chaque instant T, Dead Space Remake semble offrir des possibilités de jeu plus riches que le titre d'origine. Et de façon plus prosaïque, les armes retravaillées se retrouvent, pour la plupart, plus fun à jouer que leurs alter ego et utilisables de façon plus créative.

Mise en lumière

Enfin, je conclurai avec un mot « rapide » sur la partie technique, et spécifiquement la gestion de la lumière, qui affecte de façon notable les combats.

Concrètement, il est plus compliqué de discerner un nécromorphe dans le remake. Une lisibilité amoindrie avec un éclairage affiné, qui contribue à la tension horrifique. Il ne sera pas rare de voir une forme noire plantée de deux yeux brillants menaçants se rapprocher nonchalamment de vous, d'entendre avant de voir, ou de discerner l'ombre d'une menace, elle, bien réelle.

Couplée à ce sound design resté de très bonne facture (mention spéciale aux battements de cœur d'Isaac et à l'excellente spatialisation), l'appréhension de la menace est plus continue, et l'attention portée aux sons renforcée. Le joueur est encouragé à évoluer plus prudemment, à toujours rester aux aguets face à des ennemis mieux dissimulés et plus menaçants, il s'agit de garder son sang-froid.

Dans Dead Space 2008, les quarantaines étaient des moments forts, des pics de tension saillants, quand les portes se verrouillaient, que l'alarme criait et que la lumière commençait à s'affoler... Imaginez que le remake conserve de façon plus intacte cette tension tout le long du jeu, baigné de ces lumières beaucoup plus subtiles et contrastées.Dans le même genre, les effets volumétriques, notamment celui de brume, sont saisissants d'efficacité. Ils aident à encore dramatiser la menace et continuent de contribuer à notre appréhension, à notre absence de certitude qui nous laisse sur la brèche ; ils concourent donc plus généralement à un jeu moins automatique. Le système « Intensity Director », ajoutant de l'imprévisibilité aux rencontres et aux éclairages, pousse aussi dans le bon sens et stimule le backtracking.

S'il est clair que la quantité de polygones des modèles seule n'élève pas le niveau, les efforts techniques consentis ici profitent à la proposition d'action-horror de Dead Space. Même en ayant déjà parcouru l'original et étant habitué au genre, le remake a su me mettre dans un état de tension que le premier ne serait aujourd'hui plus capable de proposer pour un joueur averti.

Dead Space Remake n'est pas seulement une recréation passionnée, elle revitalise très agréablement le jeu d'origine, montrant au passage l'étendue du talent des gens de chez Motive Studio, que l'on espère à l'œuvre sur un autre jeu Dead Space, tant leur premier travail sur la licence donne envie d'en voir plus.

Si Dead Space Remake est un brin trop conservateur et non exempt de défauts, force est de constater que la quasi-entièreté du travail abattu sert une proposition de design raffinée et cohérente du jeu de 2008.

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